L’industrie du développement personnel est en plein essor. D’une valeur de 9,9 milliards de dollars en 2016, les prévisions d’experts annoncent une croissance à 13,2 milliards d’ici à la fin de l’année 2022.

Illustration –  CREDIT : Freepix

Et dans cet univers, ce sont les livres et autres ouvrages écrits qui se taillent la part du lion. En 2018, le marché des livres à lui seul était évalué à 800 millions aux États-Unis. Au Royaume-Uni, ce sont plus de 3 millions de livres qui ont été vendus la même année, soit une hausse de 20% par rapport au résultat de l’année précédente. En France, le développement personnel représente 32% du marché du livre.

Un marché en plein boom

À en croire les stratèges éditoriaux, le développement personnel est un segment particulièrement bien portant sur le marché français du livre. Un filon quasi inépuisable selon certains. Le directeur de la collection “Pratique” chez J’ai Lu se félicite notamment de la notable croissance en termes de vente et de chiffre d’affaires dans les domaines du développement personnel, des régimes, du bien-être et de la psychologie pratique.

Dans cet exercice, Anthony Robbins auteur du bestseller Unlimited Power est l’un des coachs qui excellent le plus en la matière. Chaque année, ce sont plusieurs milliers de personnes de tous horizons qui le rejoignent à Londres dans le cadre de l’une de ses conférences pour “libérer leur puissance intérieure”. Dans le même registre en France, on peut citer des figures telles que David Laroche ou Olivier Roland.

Il propose un modèle de pensée et d’actions dont l’objectif est de permettre à ceux qui le désirent, de transformer leurs peurs en puissance. Construire une carrière riche et brillante tout en créant la parfaite osmose entre vie privée et vie professionnelle. Se libérer de sa dépendance à l’alcool, devenir un bon parent, renouer avec sa passion et l’optimisme, etc.

La sphère de cette industrie va bien au-delà de l’édition. En effet, ces dernières années, le développement personnel a totalement investi l’univers du numérique avec les applications mobiles, les conférences et séances de coaching 100% en ligne. Une numérisation qui, soit dit en passant, aura profité des conditions spéciales de la crise sanitaire pour atteindre des niveaux encore plus élevés. Paradox, l’entreprise de David Laroche a ainsi enregistré les meilleurs résultats de toute son histoire. 

Le développement personnel à portée de clics

Dans le même temps, les applications mobiles de bien-être occupent des parts de marché de plus en plus grandes. On peut notamment citer des applications telles que Calm, Headspace, 10% Happier, Simple habit, etc.

Le top 10 des applications de bien-être les plus téléchargées qu’on peut ranger dans la sphère développement personnel a généré un CA d’environ 27 millions de dollars sur le premier trimestre de l’année 2018. Soit une croissance de 170% en comparaison au résultat de l’année 2017.

Les applications Calm et Headspace ayant réalisé un peu plus de 90% de ce résultat. Calm comptait en 2018, 75 000 nouveaux téléchargements quotidiens avec une multiplication par 2 du nombre total de téléchargements entre 2017 et 2018. Quant à Headspace, les statistiques faisaient état de 40 millions de téléchargements parmi lesquels on compte plus d’un million d’utilisateurs souscrivant un abonnement payant.

Signe du développement transversal et multisectoriel de cette industrie, des acteurs n’ayant a priori rien à voir avec le développement personnel commencent à s’y intéresser. Depuis fin 2018, American Airlines en partenariat avec Calm, propose des vidéos destinées à apaiser les passagers angoissés. Plus de 300 entreprises, parmi lesquelles Adobe, Google ou encore Unilever ont entrepris d’améliorer le bien-être au travail de leurs employés avec des accès Headspace.

Comment expliquer la notoriété et le prestige du développement personnel aujourd’hui ?

Un paradoxe se pose tout de suite dès que l’on essaie d’expliquer le succès de la discipline. Dans un premier temps, on note dans la quasi-totalité des courants du développement personnel une certaine exaltation de la nouveauté sur la base notamment des récentes découvertes en neuroscience ou en psychologie. Des savoirs ancestraux sont également sortis des placards par certains auteurs pour justifier de la véracité et de l’authenticité de leur approche. 

Cela dit, lorsqu’on pose un regard rétrospectif sur l’ensemble du mouvement, il est assez aisé de constater une certaine répétition du message et des idées au fil des ouvrages et des conférences. “ll faut être soi-même et non ce que la société veut faire de nous”, “Nous sommes ce que nous pensons”, “ Il faut prendre sa vie en main et oser vivre ses rêves”. Parfois avec des variantes relevant plus de l’injonction “Les excuses c’est pour les perdants, arrêtez de vous plaindre” ou du mystico-ésotérisme : “Vous êtes l’univers”, “Activez vos chakras”. 

Bien entendu, cette répétition tombe à point nommé pour les détracteurs qui y voient la marque d’un manque d’originalité et surtout d’efficacité. Si le développement personnel avait réellement produit des solutions qui, de façon systémique, permettaient de résoudre les problèmes sur lesquels il se penche, cela se saurait. Doit-on donc en conclure que la longévité et la croissance de ce marché ne tiennent qu’à la crédulité de consommateurs si désespérés ou refusant tout effort de réflexion personnelle pour croire à des fadaises ?

Il serait très probablement aisé de le penser. Mais une telle réflexion serait un peu courte. Pour beaucoup d’experts, cette invariabilité est l’une des raisons expliquant l’exceptionnelle longévité de ce filon. 

En effet, lorsqu’un phénomène traverse les âges tout en survivant à la critique, il est très probable que cela soit parce qu’il remplit une fonction bien au-delà de son intention première. Le développement personnel nourrit avant tout un espoir fondamental dans notre société. Il permet à chacun de continuer à croire en ses chances de réussite. Une promesse dont la connotation est particulière dans une société où les leviers permettant d’atteindre le bonheur ou la sécurité sont en toute objectivité de moins en moins à la portée de tous.